Horowitz, Lyme vérités inconfortables
LA GRILLE DE DIAGNOSTIC
DIFFÉRENTIEL EN 16 POINTS DE
HOROWITZ
En médecine, l’axiome fondamental c’est : « D’abord, ne pas nuire ». L’axiome suivant
est : « Ce n’est pas parce qu’on garde l’esprit ouvert que le cerveau risque de tomber
par la brèche ». Les informations contenues dans ce chapitre risquent de pousser le
lecteur au-delà de sa zone de confort diagnostique, ce qui peut s’avérer très gratifiant si
l’on a très envie d’aller mieux ou d’aider ses patients.
Commençons par le commencement. Mettre un nom sur une maladie et prescrire un médicament ne
signifie pas nécessairement ni que vous l’avez correctement comprise, ni que vous l’avez bien traitée.
Ceci est particulièrement vrai de la maladie de Lyme et des pathologies chroniques. Nous ne pouvons
plus exercer la médecine de la même façon. Il nous faut maintenant accepter une nouvelle vérité : la
plupart des maladies chroniques résultent de processus multifactoriels complexes qui demandent que
chaque pathologie soit disséquée pour en trouver toutes les composantes.
Dans le chapitre précédent, nous avons utilisé le questionnaire symptomatologique des SIMS de
Horowitz pour identifier les nombreux symptômes qui peuvent accompagner la maladie de Lyme.
L’étape suivante consiste à retrouver les différentes composantes de chaque symptôme pour en
découvrir l’origine. Dans certains cas, nous nous apercevrons peut-être que les symptômes résultent
tous d’un seul processus pathologique. Cependant, il y a beaucoup plus de chances pour que les
symptômes chroniques de votre patient soient le fruit de plusieurs maladies concomitantes et
interconnectées.
Le problème du modèle médical actuel, c’est que la Faculté nous enseigne qu’il n’y a
généralement qu’une seule étiologie par maladie. Ce modèle qui découle des travaux du brillant
chercheur que fut Pasteur, a été transmis aux médecins de génération en génération depuis la fin du
XIXe siècle sans évolution majeure de l’appréhension de la maladie chronique. À cause de cela, de
nombreux patients chez qui l’on a diagnostiqué une maladie de Lyme se retrouvent à errer de médecin
en médecin, de spécialiste en spécialiste, chacun ne s’intéressant qu’à un seul de leurs symptômes,
souvent sans réussir à l’éliminer. D’autres sont condamnés à souffrir en silence de multiples
symptômes apparemment sans rapport les uns avec les autres, parce qu’on leur a dit qu’ils souffraient
d’autres maladies, également mystérieuses, notamment le syndrome de fatigue chronique, la
fibromyalgie, la sclérose en plaques (SEP), la sclérose latérale amyotrophique (SLA), d’obscures
pathologies auto-immunes, ou un quelconque trouble psychiatrique stigmatisant.
En effet, ce modèle traditionnel implique que si votre médecin ne trouve pas de réponse unique à
votre collection de problèmes, étant donné que les examens de laboratoire sophistiqués et l’imagerie
de pointe disponibles aujourd’hui dans les cliniques et hôpitaux sont obligatoirement fiables et
exhaustifs, il vous affirmera que le problème est psychologique. Cette persistance navrante de l’idée
que la détresse psychologique n’aurait pas d’effets sur le corps est sans doute pire encore.
L’autre implication de ce modèle périmé est d’ordre financier. Si nous ne modifions pas la façon
dont nous percevons la maladie, le coût des soins ne cessera d’augmenter. En 2006, une étude
conduite par les chercheurs des centres d’épidémiologie américains (CDC) a montré que la charge
annuelle des maladies de Lyme diagnostiquées correctement et traitées de bonne heure était inférieure
à 1 500 $, généralement pendant une année au plus. En revanche, lorsque la maladie de Lyme n’est
pas diagnostiquée de bonne heure et que l’état du patient s’aggrave progressivement, la charge
annuelle dépasse les 16 000 $ par an, et ce sur plusieurs années. En plus, le coût des maladies de
Lyme non résolues ne se limite pas aux frais médicaux directs. L’étude montre que 80 % des 16 199 $
que la maladie de Lyme coûte chaque année est imputable à des frais médicaux indirects et non
médicaux et à la perte de productivité.
Au lieu de ne rechercher qu’une seule réponse, je pense que nous devrions en chercher plusieurs.
La majorité de mes patients atteints de maladie de Lyme, et bien d’autres qui souffrent plus
généralement de maladies chroniques n’ont pas qu’une seule cause à leurs symptômes. Il s’agit
souvent d’un ensemble de problèmes médicaux concomitants et, pour reprendre ma comparaison
précédente, ils ont 16 clous dans le pied. Une nouvelle approche multifactorielle permettrait
d’extraire un à un chacun des clous qui font souffrir nos patients.
Mon approche répertorie 16 catégories de maladies susceptibles de survenir en même temps que
la maladie de Lyme (ML-SIMS) ou, en l’absence de maladie de Lyme, d’exacerber les symptômes
d’autres pathologies (SIMS non ML). La maladie de Lyme est difficile à diagnostiquer parce que ses
symptômes peuvent s’observer dans chacune de ces 16 pathologies différentes. Comme sa cousine la
syphilis, la maladie de Lyme imite parfois certaines pathologies fréquemment rencontrées dans nos
cabinets et peut exacerber des problèmes médicaux préexistants. Ainsi, si une personne est sujette
aux maux de tête depuis toujours, elle se mettra à souffrir de migraines. La littérature regorge de
preuves à ce sujet, bien que l’on ne comprenne pas encore pourquoi la maladie de Lyme se manifeste
de façon différente chez chaque personne. D’autres facteurs jouent un rôle : le patrimoine génétique et
la bio-individualité, le nombre de morsures de tiques, les co-infections, le statut immunitaire du
moment, la charge en toxiques environnementaux et la capacité de détoxification ainsi que l’état
psychologique et la souche ou espèce de Borrelia. Quand je parle d’espèce, je me réfère à la
classification des organismes vivants, plantes, animaux et bactéries inclus ; une souche est une
variante génétique ou un sous-type à l’intérieur d’une espèce.
Du fait de cette multiplicité de facteurs, la maladie de Lyme s’exprime pour ainsi dire de façon
différente chez chaque individu. Ainsi, avant de venir me voir, beaucoup de mes patients avaient été
diagnostiqués comme souffrant d’une pathologie psychiatrique alors que la maladie de Lyme est
capable de générer tout un éventail d’anomalies neuropsychiatriques. En fait, quasiment chaque
diagnostic figurant au DSM18, la « bible » du diagnostic neuropsychiatrique, peut résulter d’une
maladie de Lyme ou de ses co-infections. De même, la maladie de Lyme peut imiter une foultitude de
symptômes neurologiques : elle est capable d’entraîner des déficits neurocognitifs, tant chez l’enfant
que chez l’adulte, et a même été associée à la maladie de Gilles de la Tourette et à la maladie
d’Alzheimer. C’est la même chose avec le syndrome de fatigue chronique (ou encéphalomyélite
myalgique) et la fibromyalgie. On la prend aussi parfois pour un trouble auto-immun tel que la
polyarthrite rhumatoïde, le lupus ou la sclérose en plaques, par exemple. Les symptômes résistants
des patients pourraient donc être dus à un mauvais diagnostic ou à l’absence de traitement adéquat
d’infections sous-jacentes, en plus d’une absence de prise en compte de toutes les anomalies
présentes sur la grille d'évaluation des SIMS.
Je pense que la persistance des symptômes de maladie de Lyme implique plus que la simple
prolongation d’une infection. Quasiment aucun de nos 12 000 patients ne présentait une « maladie de
Lyme pure », ce qui concorde avec les divergences signalées dans la littérature. En fait, la majorité
des patients atteints de maladie de Lyme présente un syndrome clinique bien défini, une association
de symptômes concomitants. Certains symptômes de maladie de Lyme sont aggravés par les coinfections
et par la présence de multiples facteurs concomitants, certains dus à la maladie de Lyme et
aux co-infections, d’autres qui sont sans rapport mais ont bel et bien un impact clinique.
J’ai baptisé « syndrome infectieux multisystémique » ou SIMS, ce syndrome car je trouve ce
terme plus approprié à ces patients qu’aucun traitement n’a réussi à guérir. Le SIMS regroupe non
seulement les symptômes de la maladie de Lyme et de ses multiples co-infections transmises par les
tiques, c’est-à-dire Borrelia burgdorferi, l’agent responsable de la maladie de Lyme, et d’autres
infections bactériennes, virales, parasitaires ou fongiques. Il inclut également dysfonctionnements
immuns, inflammations, intoxications environnementales, allergies, carences enzymatiques et
alimentaires avec anomalies fonctionnelles des voies de signalisation biochimiques,
dysfonctionnements mitochondriaux, problèmes neuropsychologiques, troubles du système nerveux
autonome, anomalies endocriniennes, troubles du sommeil, anomalies gastro-intestinales avec
perturbation du fonctionnement hépatique, ainsi que des problèmes relatifs à la douleur, aux
médicaments et à la perte de forme physique. Grâce à cette définition, mes patients sont mieux
soignés car TOUS ces facteurs doivent être abordés et traités avant qu’ils ne recouvrent la santé.
C’est sans doute pour cela que tant de patients ne vont pas mieux après le traitement « standard »
de la maladie de Lyme : un mois de doxycycline ou de Rocéphine® (ceftriaxone). La conception de
nombreuses études en double aveugle contre placebo sur le meilleur traitement de la maladie de
Lyme ne tient aucun compte des éventuelles causes multifactorielles de la maladie, et n’administre
qu’un ou deux antibiotiques pendant un temps court, ce qui n’aborde qu’une petite fraction du
problème. La solution consiste à adopter une approche diagnostique plus holistique (plus globale).
Voilà vingt-sept ans que j’affine cette définition en fonction des informations glanées au fil de mes
12 000 patients. En bon détective médical, à chaque fois que je trouve une pièce du puzzle, je l’ajoute
à la liste qui, avec le temps, est devenue assez exhaustive.
Le modèle SIMS explique en partie les différences d’approche de l’IDSA et de l’ILADS qui
publient des directives divergentes pour le diagnostic et le traitement de la maladie de Lyme. Les
recommandations de l’ILADS mettent l’accent sur le jugement clinique du médecin en matière de
diagnostic, étant donné que la littérature scientifique ne mentionne l’existence d’aucun test réellement
fiable. La démarche diagnostique de l’IDSA se restreint aux critères du CDC. Cependant, beaucoup
de praticiens ne suivent pas les directives de l’IDSA. Mon modèle permet de considérer la maladie
de Lyme dans le cadre du SIMS : un syndrome qui regroupe les multiples facteurs concomitants à
l’origine de l’état chronique des patients. Certains médecins l’ont adopté après avoir assisté à l’une
de mes présentations lors d’un congrès médical, et ont validé son intérêt en pratique clinique.
LE DIAGNOSTIC DE LA MALADIE DE LYME ET LES EXAMENS DE
LABORATOIRE
Différentes directives et définitions sont utilisées pour diagnostiquer la maladie de Lyme. Les
recommandations de l’IDSA sont basées sur la stricte définition épidémiologique du CDC, conçue
dans le but de surveiller la maladie de Lyme au niveau national et surtout utilisée par les services du
ministère de la Santé à des fins épidémiologiques. Leur définition est restreinte, ce qui signifie que
seule une minorité des cas satisferont ces critères qui sont :
• Présence d’un érythème migrant de 5 cm de diamètre ou plus ;
• Confirmation par un laboratoire d’au moins une manifestation tardive objective, telle que la
méningite (l’inflammation survenant dans les membranes qui protègent le cerveau et la moelle
épinière), l’atteinte de l’un des nerfs crâniens, de courts épisodes d’arthrose ou le bloc auriculoventriculaire
(défaut de conduction électrique dans le coeur).
Les prestataires de santé adhérant aux recommandations de l’IDSA utilisent ces critères.
D’après le CDC, toute manifestation tardive demande confirmation par un examen de laboratoire.
Il peut s’agir d’une culture de prélèvement sanguin, cutané, articulaire ou céphalorachidien (LCR) qui
s’avère positive pour Borrelia burgdorferi, ou de l’identification dans le LCR d’anticorps dirigés
contre la bactérie. Cependant, la méthode la plus courante fait appel à un protocole d’analyse en deux
temps bien précis. Le premier test est l’ELISA et le second, le Western Blot. Les deux sont des tests
indirects car, au lieu de déceler les micro-organismes, ils recherchent les anticorps dirigés contre
Borrelia burgdorferi fabriqués par le système immunitaire du patient. Le test ELISA mesure la
quantité totale d’anticorps dirigés contre Borrelia burgdorferi tandis que le Western Blot recherche
les anticorps du sujet dirigés contre les différents antigènes19 de Borrelia. Si ces protéines Borrelia
sont présentes en nombre suffisant, le test est considéré comme positif. Malheureusement, comme ces
tests sont souvent imprécis, beaucoup de patients ne satisfont pas à ces critères de diagnostic de
maladie de Lyme. C’est pour cela que le CDC annonce sur son site Internet : « cette définition a été
conçue en vue du signalement national des cas de maladie de Lyme et ne doit pas servir au diagnostic
clinique. »
Les faux négatifs abondent dans la littérature et aucun test, ou combinaison d’examens n’est parfait
du point de vue diagnostique. Le CDC fait remarquer qu’il existe des problèmes avec les analyses de
laboratoire et qu’elles ne suffisent pas à poser un diagnostic de maladie de Lyme. De nombreuses
études le confirment. La première date de 1996. Elle a été effectuée par les services du ministère de
la Santé de l’État de New York. Parmi les 1 535 patients étudiés, 81 % des cas sans érythème migrant
n’ont pas été confirmés par le protocole d’analyse du CDC. En d’autres termes, ce protocole
d’analyse est passé à côté de 81 % des cas de maladie de Lyme (ML), surtout lorsque le patient ne
présentait pas l’érythème en forme de cible caractéristique.
L’étude de l’université John Hopkins en 2005 comprend une des revues les plus exhaustives des
tests anti-ML standards. Ces chercheurs ont étudié les dosages sanguins et les analyses d’ADN (PCR)
des patients des États de Pennsylvanie et du Maryland dont la maladie de Lyme avait été
diagnostiquée de bonne heure. Ils ont trouvé de sérieux défauts : quand la méthode standard en deux
étapes (ELISA puis Western Blot) recommandée par le CDC était utilisée pour des patients chez qui
d’autres analyses avaient déjà confirmé une maladie de Lyme, les résultats étaient positifs dans 45 à
77 % des cas. Quant aux analyses ADN, les chercheurs de Hopkins ont signalé qu’elles détectaient
rarement des maladies de Lyme confirmées par ailleurs. Dans une autre étude publiée en 2005 par le
Journal of Medical Microbiology, le Dr Marangoni signale une divergence des résultats de trois
tests ELISA commerciaux différents. La sensibilité de l’analyse du sang provenant d’un même
échantillon variait de 36,8 à 70,5 %. Une étude conduite par Ang en 2011 a confirmé que non
seulement le test ELISA manquait de sensibilité, mais qu’en plus les différents kits d’analyse Western
Blot produisaient des résultats discordants pour un même échantillon de sang. Il en a conclu que les
chances pour qu’un patient souffrant de maladie de Lyme soit diagnostiqué dépendaient énormément
des tests ELISA et Western Blot utilisés par le laboratoire. Ceci corrobore les résultats d’une étude
de Bakken, publiée plusieurs années auparavant dans le Journal of the Clinical Microbiology. Une
autre étude des docteurs Ray Stricker et Lorraine Johnson, publiée en 2007 par le British Medical
Journal, ne retrouve qu’une sensibilité totale de 56 % pour la combinaison ELISA/Western Blot. Ces
résultats font écho à ce que j’ai constaté au cabinet : beaucoup de mes patients souffrent bien de
maladie de Lyme mais les protocoles d’analyses n’ont pas été assez sensibles pour la détecter et,
selon les critères du CDC, si leur test ELISA est négatif, ils ne peuvent pas bénéficier d’un
Western Blot.
D’après les directives de l’ILADS, le diagnostic de maladie de Lyme est essentiellement clinique.
Les cas répondant aux critères du CDC entrent dans la définition de l’ILADS, tout comme les patients
dont les symptômes correspondent à une maladie de Lyme et qui ont été exposés aux tiques vectrices,
surtout si l’on ne parvient pas à attribuer ces symptômes à d’autres pathologies. Un résultat positif au
protocole d’analyse en deux temps n’est pas considéré comme nécessaire, étant donné que les tests
actuellement disponibles ne sont pas fiables. Des bandes caractéristiques de la maladie de Lyme
peuvent être trouvées au Western Blot (c.-à-d. 23 kDa, 31 kDa, 34 kDa, 39 kDa, 83-93 kDa), mais ne
pas présenter exactement le profil caractéristique pour être considérées comme positives par le CDC,
malgré un tableau clinique et une réponse thérapeutique en accord avec la maladie de Lyme lorsque
les autres processus pathologiques ont été écartés. Le CDC préconise la recherche de maladie de
Lyme, mais sans chercher à identifier les différentes souches : 5 bandes positives pour les anticorps
IgG et deux bandes positives sur trois pour les anticorps IgM (23, 39, 41) confirment le diagnostic, et
ce, seulement si le test ELISA était positif. Cependant, en pratique clinique, les patients aux
symptômes de maladie de Lyme persistants satisfont rarement les critères du CDC. Il semblerait que
le nombre de patients réellement atteints de maladie de Lyme non détectés par les tests standards soit
énorme. C’est du moins ce que suggèrent les tests de dépistage effectués pour confirmer le diagnostic
dans une étude pour le NIH20. Lorsque le docteur Brian Fallon, expert de renommée mondiale,
spécialiste des aspects neuropsychiatriques de la maladie de Lyme, a recruté des patients connus pour
avoir été exposés à Borrelia dans le cadre d’une étude NIH en double aveugle, seul un patient sur
cent satisfaisait aux critères du CDC, bien qu’il soit évident qu’ils étaient réellement malades.
Ces points de vue opposés ont semé le trouble chez de nombreux praticiens quant à la meilleure
façon de diagnostiquer et de soigner une maladie de Lyme. Voici les neuf critères de base qui
m’aident à poser un diagnostic :
1• La maladie de Lyme se diagnostique cliniquement et les résultats d’examens ne servent qu’à étayer
le diagnostic clinique.
2• La présence d’un érythème migrant est une preuve formelle de maladie de Lyme qui exonère de
toute nécessité de pratiquer d’autres examens pour confirmer le diag nostic.
3• Si les analyses sont faites trop tôt, ou si des antibiotiques ont été pris en début de la maladie, peu
d’anticorps peuvent avoir été produits et les patients seront souvent séronégatifs.
4• Le protocole d’analyses en deux étapes, avec un test ELISA suivi d’un Western Blot, passera à
côté de la majorité des cas de maladie de Lyme étant donné la faible sensibilité de ces tests.
5• Si le Western Blot nous fournit plus d’informations, il a aussi ses limites. Il existe environ 100
souches de Borrelia aux États-Unis et plus de 300 dans le monde. Les réactions croisées d’une
souche à l’autre sont fréquentes, d’où les nombreux faux négatifs. L’intérêt du Western Blot dépend de
l’expérience du laboratoire, de la souche (ou des souches) de Borrelia à laquelle a été exposé le
patient, et de l’identification de certaines bandes qui reflètent l’exposition à Borrelia burgdorferi.
Les bandes spécifiques aux Borrelia détectent les protéines de surface (Osp, pour outer surface
protein) présentes à la surface des micro-organismes qui sont observées dans la maladie de Lyme.
Les bandes concernées sont les cinq protéines suivantes, chacune ayant un poids moléculaire
différent, exprimé en kilodaltons (kDa) : 23 kDa (Osp C, protéine de surface C), 31 kDa (Osp A,
protéine de surface A), 34 kDa (Osp B, protéine de surface B), 39 kDa, et 83-93 kDa. Si l’une de ces
bandes est présente sur un Western Blot, il y a de fortes chances pour que le patient ait été exposé à
Borrelia burgdorferi, surtout si la clinique correspond. Si deux bandes spécifiques ou plus sont
présentes, les chances augmentent d’autant. Certains laboratoires spécialisés, comme IgeneX, ont plus
de chances de détecter des bandes spécifiques à la maladie de Lyme parce qu’ils utilisent différentes
souches de Borrelia burgdorferi (à la fois la souche B31 et la 297). Même si l’utilisation de ce
laboratoire a donné lieu à des controverses parmi les médecins agréés IDSA, beaucoup de praticiens
agréés par l’ILADS le trouvent fiable. Le laboratoire IgeneX satisfait les directives strictes des États
de New York et de la Californie et il est agréé par le gouvernement américain, par le biais des
Centres Medicare et Medicaid (CMS). Je fais toujours appel à des laboratoires extrêmement
qualifiés lorsque je demande un Western Blot, étant donnée la divergence des résultats, semblable à
celle rencontrée avec les tests ELISA.
6• La PCR (amplification en chaîne par polymérase) est un test ADN important pour les patients dont
les tests sanguins sont négatifs. Cependant, plusieurs analyses sont souvent nécessaires dans le temps,
sur des échantillons de différents tissus (sérum, liquide d’aspiration articulaire, tissu synovial, urine,
sang du cordon, placenta et/ou liquide céphalorachidien) et effectuées par un laboratoire fiable. La
sensibilité globale de la PCR sur n’importe quel échantillon est d’environ 30 % et sa spécificité est
supérieure à 99 % (l’examen est très spécifique de la maladie et il y a très peu de faux positifs).
D’après certains chercheurs, de nouveaux tests PCR, plus sensibles, permettent aujourd’hui une
détection moléculaire directe, avec génotypage des Borrelia (différenciation des différentes
espèces), ce qui augmente la sensibilité à 62 % en début de maladie de Lyme. Je suis parfois obligé
d’envoyer plusieurs échantillons de sang ou d’urines avant d’obtenir un résultat de PCR positif.
Comme les tests ELISA, Western Blot et la PCR ne détectent pas toujours l’infection, d’autres
tests sont parfois utilisés pour confirmer le diagnostic clinique, notamment le LTT (Lymphocyte
transformation test, Borrelia ELISpot) et une forme commerciale de culture de Borrelia (Advanced
Laboratories). Le test borrélien ELISpot (Enzyme Linked Immunospot Assay) a été
évalué formellement en 2012 et les résultats ont été publiés dans Clinical and Developmental
Immunology. De très forte spécificité, il est actuellement utilisé par de nombreux médecins
européens pour diagnostiquer la maladie de Lyme.
Aux États-Unis, il a été utilisé il y a plusieurs années après qu’une littérature scientifique
conséquente a montré des réponses spécifiques des cellules T aux Borrelia. Les cellules T sont des
globules blancs capables de se souvenir d’infections antérieures, de se réactiver et de se multiplier
lorsqu’elles sont à nouveau en contact avec l’agent infectieux. Plusieurs laboratoires américains
recommencent à proposer le LTT, parfois inclus dans le panel utilisé pour confirmer le diagnostic
clinique. De plus amples études devraient être effectuées aux États-Unis pour confirmer la sensibilité
et la spécificité des nouveaux tests LTT.
Récemment, Advanced Laboratories a mis sur le marché un kit de culture de Borrelia qui est
agréé par plusieurs agences d’État. La culture de Borrelia est le test de référence reconnu de tous,
aussi bien l’IDSA et l’ILADS que le CDC. La culture in vitro d’isolats de Borrelia sur un milieu
spécial (milieu Barbour-Stoenner-Kelly ou BSK) s’est avérée une tâche difficile, même en cas de
maladie de Lyme confirmée, en raison de la croissance très lente en laboratoire de ce microorganisme.
Plusieurs tentatives ont été faites au cours des deux dernières décennies pour développer
un meilleur test de culture de Borrelia. Malheureusement, les résultats des études de différents
échantillons cliniques (sang périphérique, liquide céphalorachidien et intra-articulaire, biopsies
cutanées) sont très décevants. La sensibilité varie de 5 à 71 % maximum pour les prélèvements
cutanés, et n’atteint que 40 à 44 % pour les échantillons de sang périphérique. Le Dr Joseph
Burrascano a travaillé en étroite collaboration avec Advanced Laboratories pour tenter d’imiter in
vitro les conditions de l’hôte vivant afin de favoriser la culture. Les premiers résultats sont plutôt
encourageants : sensibilité de 94 % à 16 semaines et spécificité supérieure à 95 %. D’autres
médecins ont pratiqué ce test sur plusieurs de mes patients après antibiothérapie intensive pour leur
maladie de Lyme. Le test d’Advanced Laboratories est revenu positif, ce qui indique la persistance
du micro-organisme. Les résultats définitifs concernant la fiabilité des cultures de Borrelia par
Advanced Laboratories devraient être publiés très prochainement dans une revue à comité de lecture.
7• Dix à vingt pour cent des Borrelia qui infectent les tiques du Nord-Est des États-Unis ne sont pas
des Borrelia burgdorferi, l’agent responsable de la maladie de Lyme ; génétiquement, elles sont
parentes de Borrelia miyamotoi, l’agent responsable de la fièvre récurrente au Japon. Ces microorganismes
n’entraîneront pas de réponse positive aux tests de dépistage de maladie de Lyme :
ELISA, Western Blot ou PCR. Un patient dont la maladie est très évocatrice d’une maladie de Lyme
peut donc avoir été exposé à d’autres souches de Borrelia, d’où sa séronégativité.
8• D’autres maladies que la maladie de Lyme peuvent être transmises par la même morsure de tique :
la babésiose (ou piroplasmose, affection qui rappelle le paludisme) et la bartonellose (maladie des
griffes du chat). Ces pathologies viennent compliquer la présentation clinique, et aggravent souvent
les symptômes de la maladie de Lyme. Elles sont également difficiles à diagnostiquer de façon fiable
par les techniques standards, c’est-à-dire la recherche de Babesia sur frottis sanguin après coloration
Giemsa et la recherche par immunofluorescence indirecte (IFI) d’anticorps dirigés contre Bartonella.
En plus du titrage des anticorps, il faut souvent aussi demander des PCR.
9• Un titrage positif pour une maladie vectorielle à tiques (MVT) évoque la présence possible
d’autres MVT, puisque les tiques sont co-infectées. Ceci est particulièrement vrai pour les patients en
échec thérapeutique pour l’un ou l’autre des processus pathologiques.
DÉTECTER UN SYNDROME INFECTIEUX MULTISYSTÉMIQUE
J’ai conçu le système de diagnostic différentiel Horowitz comme une carte routière permettant
d’identifier les multiples composants du SIMS. Avec chaque patient qui entre dans mon bureau, je
passe en revue les 16 diagnostics différentiels possibles du SIMS et je les compare aux résultats du
questionnaire et aux antécédents relevés. Cela me permet d’effectuer un bilan très complet de l’état
de santé de mon patient. Je peux ainsi faire ce qu’il faut en matière d’examens complémentaires et
avancer sur le plan thérapeutique.
La majorité des processus pathologiques dont je vais parler ne sont pas nouveaux. Cependant,
lorsqu’on les considère tous ensemble, la force de mon système réside dans le fait que le praticien
dispose là d’un outil unique pour organiser une liste de symptômes apparemment sans rapport entre
eux, comme ceux qu’un patient chronique apporte à son médecin.
Bien qu’à l’origine j’aie surtout recherché des solutions pour mes patients atteints de maladie de
Lyme, je pense que le modèle SIMS est applicable à toute personne souffrant de maladie chronique.
En effet, tous sont susceptibles de présenter des éléments du SIMS et ma grille de diagnostic
différentiel en 16 points peut s’avérer utile. L’inflammation chronique est au coeur de presque toutes
les maladies chroniques. La grille d'évaluation des SIMS permet d’identifier les causes sous-jacentes
de cette inflammation. L’inflammation initiale peut résulter directement d’une maladie de Lyme ou de
ses co-infections, ou elle peut constituer une réponse à une surstimulation du système immunitaire,
aux intoxications environnementales, aux allergies alimentaires ou à un trouble du sommeil associé.
Autre avantage du modèle SIMS : même si les patients répondent aux traitements prescrits pour
leur maladie chronique, ces médicaments ont souvent des effets secondaires indésirables à long terme
qui seraient évités si l’on identifiait d’autres causes, guérissables, à leur maladie.
Cet outil diagnostique peut alors servir de guide pour évaluer non seulement un patient atteint de
maladie de Lyme et de ses co-infections, mais aussi pour évaluer tout patient souffrant d’une
pathologie chronique inexpliquée. Certes, il reste des processus pathologiques que nous ne
comprenons pas encore complètement, mais les patients tireraient néanmoins un avantage clinique de
l’utilisation de ce modèle. Au fur et à mesure des facteurs cachés que nous découvrons, nous
progressons dans notre connaissance des états pathologiques chroniques.
Le modèle SIMS et les standards d’analyses décrits ci-dessus offrent un moyen intelligent et
sensible de réduire le coût et la charge de morbidité de la maladie de Lyme et de ses co-infections.
En évitant aux patients atteints de maladie de Lyme (et à leurs assureurs) les interminables et vaines
recherches, année après année, d’autres maladies pouvant être responsables de leurs symptômes, le
modèle SIMS propose une méthode de diagnostic et de gestion des options thérapeutiques qui
permettrait d’économiser des millions de dollars par an.